Après avoir écrit cet article sur mon premier couteau automatique Beltrame, j'ai acquis deux modèles supplémentaires du même fabricant, à savoir un modèle "blonde horn" et un "brazilian horn", le premier avec une lame baïonnette, et le deuxième avec une lame classique.
Nous allons d'abord faire un historique de ces couteaux particuliers, ainsi que l'historique de la marque en question, avant de les découvrir plus en détail.
Histoire des couteaux italiens automatiques de type stiletto
Source (en anglais) : http://stiletto-italiano.com.
Les premiers couteaux automatiques sont apparus à la fin du XVIIIe - début du XIXe siècle. À cette époque, ces couteaux n'étaient pas produits en masse et n'étaient, en conséquence, pas particulièrement répandus. Chaque couteau était plutôt un modèle exclusif, produit en exemplaire unique.
La construction des premiers stilettos automatiques présente peu de différences par rapport aux modèles modernes. Les deux types ont des verrous similaires maintenant la lame en position ouverte, des ressorts similaires et des mécanismes à bouton-poussoir pour ouvrir la lame. Il y a plus de 200 ans, les matériaux utilisés pour les poignées étaient la corne de buffle et la corne de cerf. Une différence notable réside dans le fait que dans les stilettos modernes, le mécanisme dans la poignée est entièrement dissimulé, alors que les premiers couteaux n'avaient pas de garde.
La plus grande différence dans la méthode de production réside dans le fait que, bien que les stilettos modernes soient assemblés à la main, les composants proviennent d'une production de masse. À l'inverse, les modèles antérieurs étaient réellement uniques.
Le développement de la production de couteaux à ouverture automatique a été boosté par l'homme d'affaires allemand Albert Marx, qui a visité Maniago en 1907. À cette époque, Maniago avait déjà développé la fabrication de divers outils de coupe. Propriétaire de plusieurs usines à Solingen en Allemagne, Albert Marx a introduit à Maniago de nouvelles méthodes améliorées de production de couteaux. Ces innovations comprenaient le principe de la production séparée des composants pour l'assemblage des couteaux, qui a été développé à Maniago dans ce qu'on appelait alors une "industrie artisanale", qui existe encore aujourd'hui. Avec l'aide de l'homme d'affaires allemand, la société a été fondée, plus tard appelée Coricama. Cette abréviation signifie COltelerie Riunite di CAslino edi MAniago (Assemblage de couteaux à Caslino et Maniago). C'est là que vivait Marx et là qu'il a fondé une petite usine. C'est à peu près à cette époque que les couteaux à lame à ouverture automatique ont commencé à apparaître en quantités significatives.
De 1920 à 1923, un groupe d'artisans à Maniago produisait des stilettos automatiques classiques avec une poignée en corne de cerf marquée "PREMIATA SOCIETA-COOP MANIAGO". De plus, des produits similaires étaient fabriqués par les entreprises locales "Sina & C" et "Colt. Riunnite".
Dans les années 1930, la production de stilettos automatiques a commencé à s'étendre, et des outils pour la production standardisée de diverses parties des couteaux ont fait leur apparition. Tous les couteaux étaient fabriqués à la main avec des lames de type baïonnette et poignard, bien que la baïonnette l'emporte. Ces stilettos à lame automatique n'étaient cependant pas répandus et n'étaient pas exportés à l'étranger.
En 1940, l'Italie entre dans la Seconde Guerre mondiale et la production de couteaux est réduite, car les capacités de production étaient monopolisées par la fabrication de produits militaires.
Avec la fin de la guerre en 1945, le processus de rapatriement des soldats américains d'Europe vers les États-Unis commence. De l'Italie, de nombreux soldats ont ramené avec eux des souvenirs - des stilettos italiens automatiques. On peut considérer ce point comme le début de la création d'un marché aux États-Unis.
En même temps, dans la langue américaine-anglaise, le mot "Switchblade" entre en scène, signifiant le couteau à ouverture automatique. Ce mot est apparu pour la première fois au XIXe siècle, comme une variante de l'expression "knife switch". La plupart des dictionnaires, y compris ceux consacrés au langage familier, suggèrent que le mot est apparu pour la première fois en 1946, mais n'expliquent pas l'étymologie du mot et ne fournissent aucune information sur son origine.
Dans les années 1947-48, la société Latama entre sur le marché des stilettos italiens automatiques aux États-Unis et le développe. Le processus d'expansion des exportations de ces couteaux vers les États-Unis en provenance d'Italie a commencé. Ce processus a été accompagné d'améliorations technologiques, telles que l'estampage des mitres et des gardes, ce qui a contribué à augmenter le volume de production.
Vers la même époque, l'entrepreneur italien Mauro Mario a créé une union de sociétés qui produisaient plus de la moitié de tous les couteaux automatiques de 1948 à 1958. Dans ses meilleures années, sa société produisait 100 000 couteaux par an. Mauro Mario fabriquait ses couteaux sous son propre nom ainsi que sous les marques Mauro M., Rosco, Wandy, Joy, Whitby, GC Co (Guttmann Cutlery of New York) et bien d'autres. En deuxième place, en termes de volume de production, on peut citer la société LATAMA. Tous les produits de ces sociétés étaient principalement exportés vers les États-Unis. C'étaient les jours qu'on pourrait appeler l'"âge d'or" des stilettos automatiques italiens.
Pendant ce temps, aux États-Unis, les processus suivants liés aux stilettos automatiques ont commencé : la croissance des ventes et de la popularité de ces couteaux parmi les jeunes ; le nombre croissant de films hollywoodiens dans lesquels les "méchants" étaient toujours armés d'un couteau à ouverture automatique. Le stiletto automatique italien a progressivement acquis la réputation d'un attribut sinistre, qui, par son existence même, provoque des meurtres, et qui devrait être immédiatement interdit.
Le résultat de ce débat, provoqué par le cinéma, les médias et les discours de divers politiciens, a été l'interdiction de la vente de couteaux automatiques dans l'État et la ville de New York en 1954. Compte tenu de la taille et de l'importance du marché à New York, une interdiction en 1954 a marqué la fin des ventes de stilettos automatiques aux États-Unis, bien qu'ils aient continué à être vendus dans d'autres États, notamment par correspondance.
Et en 1958, le Congrès américain adopta la loi dite Switchblade Knife Act de 1958 - une loi interdisant la vente de couteaux entièrement automatiques aux États-Unis. Les stilettos pliants non automatiques et les couteaux à lame fixe sont restés légaux à la vente et à la possession dans de nombreux États. Cependant, ces couteaux, privés de la fonction d'ouverture automatique de la lame, n'ont pas connu un grand succès auprès du public.
Le résultat de la perte du marché américain a été un déclin abrupt de la production de stilettos automatiques en Italie.
Dans la période des années 1960 aux années 1980, la production de stilettos automatiques traversa des moments difficiles, bien que la production de couteaux n'ait pas été interrompue. Il y avait la société Jndiana Cutlery, qui a réussi à assurer un flux de commandes pour les couteliers de Maniago. Leurs produits étaient principalement destinés à la vente en Europe. Néanmoins, les volumes de production n'étaient plus les mêmes qu'auparavant.
À cette époque, la société "F.lli Beltrame F&c" n'a pas cessé la production de stilettos, car il y avait une demande accrue pour leurs couteaux, principalement en Allemagne et en France dans les années 1970.
À partir des années 1980, et surtout depuis la fin des années 1990 jusqu'à nos jours, les États-Unis manifestent un regain d'intérêt pour les stilettos automatiques italiens. Cela s'est produit grâce à la littérature et aux périodiques consacrés aux couteaux automatiques, et surtout grâce à l'émergence d'Internet, qui a donné l'opportunité de discussions pour les collectionneurs sur le sujet. Ce processus a conduit au fait qu'en Italie, on recommença à fabriquer des stilettos pour les exporter vers les États-Unis. Bien sûr, il ne s'agit pas du volume de ventes des années 1950. Aujourd'hui, les gens achètent ces stilettos non pas pour les porter, mais pour les conserver chez eux; dans leur collection.
De nos jours, presque n'importe qui peut acheter pour sa collection un stiletto automatique italien en le commandant dans des magasins en ligne aux États-Unis, en Europe, ou directement auprès du fabricant de Maniago en Italie. Bien qu'il y ait des nuances pour le passage en douane de ces articles. Dans certains pays, les vendeurs envoient des couteaux automatiques démontés, pièce par pièce, car dans la plupart des cas, l'importation de composants et de pièces de rechange pour les couteaux automatiques n'est pas interdite.
Actuellement, à Maniago en Italie, des stilettos automatiques des entreprises et artisans suivants sont toujours disponibles : F.lli Beltrame F&c (Frank Beltrame), SKM, AB Coltellerie (Armando Beltrame), Renzo Beltrame, AGA Campolin (Angelo Campolin), AKC (famille Campolin), Renzo Pascotto.
Histoire de la famille Beltrame
Frank Beltrame est né en février 1941 et a grandi avec son père, sa mère et son frère Armando, né en 1947. La famille Beltrame partageait une maison avec les oncles Danilo, Luciano et Carlo, où ils ont organisé une petite fabrique de couteaux. Dès son jeune âge, Frank Beltrame a étudié l'artisanat. Initialement, il s'occupait de l'emballage et de la livraison des couteaux, puis il est devenu apprenti. Frank a passé deux ans à l'École Professionnelle de Coutellerie, où il a appris des nouvelles techniques, tout en étudiant les anciennes méthodes de production et de conception d'outils de coupe et de lames.
Après avoir quitté l'école en 1956, à l'âge de 15 ans, Frank a été officiellement employé dans l'entreprise de son père, travaillant aux côtés de son père et de ses oncles. À cette époque, il ne se doutait guère qu'il était au début d'une carrière légendaire qui ferait de lui l'un des plus grands maîtres mondiaux de la production de lames, établissant simultanément des normes pour l'industrie du couteau en Italie.
Après le décès de son père Ivano Beltrame (mort d'une crise cardiaque) en 1969 et la fermeture de la société BV & F en 1970, Frank Beltrame a ouvert sa propre entreprise, F.lli Beltrame F & c. Les couteaux portaient la marque b Rostfrei, et selon les dires de la famille Beltrame, les couteaux portant de telles marques, où le "b" est écrit en majuscule "B", sont des contrefaçons.
Dans les années 1970, il y a eu une reprise de la demande de stilettos automatiques, après le ralentissement causé par l'interdiction de l'importation de stilettos automatiques aux États-Unis en 1958. Les nouveaux marchés étaient la France et l'Allemagne.
En 1980, Frank a construit un hangar équipé d'un parc de machines et en 1982, huit ouvriers travaillaient dans son usine. Dans les années 1980, l'entreprise de Frank Beltrame commence à ressentir la pression concurrentielle des clones chinois.
En 1982, Frank a breveté le kit dit Atlas. Il s'agissait d'un couteau automatique sans ressort fixe, le ressort étant fourni avec le couteau. Le principe était que sans ressort, le couteau est automatique, mais l'acheteur peut éventuellement installer un ressort lui-même. Ces kits de couteaux étaient distribués par l'intermédiaire de la société THE EDGE CO. Cela a permis à Frank Beltrame de revenir sur le marché américain et d'aider à concurrencer les copies chinoises de ses couteaux.
En 1990, Frank a breveté et produit un modèle de stiletto automatique pour le marché allemand. Ce modèle n'était disponible qu'en longueurs de 21 cm en raison des limitations de la loi allemande. De plus, certaines pièces étaient fabriquées en zamak (alliage de zinc et d'aluminium), ce qui pouvait réduire le prix des couteaux et ainsi concurrencer les copies chinoises.
Heureusement, la qualité parle d'elle-même, et tout collectionneur sait que les clones taïwanais ne peuvent pas rivaliser avec les stilettos originaux de Frank Beltrame.
En 1996, l'entreprise F.lli Beltrame F & c a été divisée en deux sociétés : mABer Coltellerie et Fratelli Beltrame F & C. La société Fratelli Beltrame F & C utilise la marque Frank B. Italy. Les couteaux estampillés F. Beltrame sont des contrefaçons. Depuis 1996, les enfants de Frank, Ivano et Sara Beltrame, travaillent aux côtés de leur père. Ivano, nommé d'après son grand-père, et Sara, qui a appris l'anglais, travaille en tant que représentante commerciale et interprète.
La société mABer Coltellerie est dirigée par Armando Beltrame et utilise la marque AB ITALY, AB ITALY INOX, AB STILETTO ITALY. En réalité, les deux entreprises, mABer Coltellerie et Fratelli Beltrame F & C, sont situées dans le même bâtiment.
Frank Beltrame et la société Latama ont créé une coentreprise, et en résultat, des stilettos automatiques "Walt Classic" avec une lame de 5 mm d'épaisseur ont été lancés.
Les secrets de fabrication des stilettos sont transmis de père en fils et font partie de l'histoire de la production de couteaux à Maniago. L'attention portée aux détails et la précision de l'assemblage des mécanismes à ressort ont permis à Frank de gagner le respect de clients avertis du monde entier.
Review des couteaux
Tout d'abord, voici les deux couteaux en question. En premier, le couteau Brazilian Horn, et en deuxième le Blonde Hornn avec lame baïonnette.
Les deux sont en format 9" (soit environ 23cm). Ils existent également au format 11 pouces, donc environ 28 centimètres.
La lame, en acier inoxydable, mesure 10cm de long. Elle possède un marquage "FRANK B ITALY".
Le poids du modèle Brazilian Horn est de 111g, et le Blonde Horn de 116g.
Les ajustements sont parfaits, et l'ouverture est nette et franche. Le bouton de mise en sécurité est dur (presque trop !).
Concernant le tranchant, il faut savoir que les couteaux automatiques ne sont à l'origine pas faits pour couper, donc il n'est pas rasoir.
La fermeture se fait classiquement par pivot manuel de la mitre et repliage de la lame dans le manche.
Conclusion
Ces couteaux sont de très beaux objets, avec une esthétique intemporelle, et devraient - selon moi - figurer dans toute collection, de par l'image qu'ils renvoient, et la place particulière qu'ils ont dans l'imaginaire collectif.
Où acheter un couteau Frank Beltrame ?
Plusieurs sites vendent ces couteaux, mais la disponibilité n'est pas forcément immédiate. En conséquence, je ne peux pas vraiment vous en conseiller un en particulier ! Vous pourrez voir les nouveaux modèles sur leur compte instagram.
Album photo
Vous trouverez ci-dessous d'autres photos, permettant de se faire une meilleure idée du rendu visuel de ces couteaux.